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Une première erreur fatale, qui compromet tout le reste du devoir, consiste à ne s’occuper que vaguement de la question précise, prise comme simple prétexte d’une récitation de cours plus ou moins adaptée, ou, encore pire, d’un déballage d’opinions. | ||||||||||
Pour s'en tenir, à titre d'exemple, à quelques formes courantes :
Il y a aussi à tenir compte d'expressions qui peuvent comporter des sens un peu différents, même s'ils sont voisins, par exemple : "Peut-on dire des vérités scientifiques qu'elles sont provisoires ?" Il est de toutes façons possible de le dire, on a aussi moralement le droit de le dire, mais la question est plutôt alors "Est-il justifié de le dire ?". Il en sera généralement de la sorte avec les questions du genre "Peut-on concevoir ... ? ", "Peut-on dire...?"
Là aussi, il faut distinguer entre deux grands sens différents, la nécessité et l'obligation :
La question implique donc que l'on trouve des raisons mettant en évidence cette nécessité ou justifiant cette obligation, à moins qu'au contraire on tente de montrer qu'il n'y a pas nécessité ou pas vraiment obligation. Le rôle de la dissertation étant moins de trouver une réponse que de montrer la complexité d'un problème, il est bien sûr judicieux d'envisager les deux possibilités. Il faut toutefois éviter de tomber dans la simple juxtaposition relativiste (on peut dire que oui, on peut dire que non), et montrer alors comment s'articulent les deux volets, en montrant notamment quelles options et quelles conséquences ils comportent respectivement. Il peut être judicieux de distinguer entre une nécessité ou une obligation inconditionnelle (valable dans tous les cas de figure) et une conditionnelle (dépendant des situations ou des intentions). La question peut éventuellement poser des problèmes différents selon la perspective sous laquelle elle est abordée. Tel serait sans doute le cas pour la question : "Faut-il vivre comme si nous ne devions jamais mourir ?"
Ce type de question porte sur l'existence même de quelque chose : "Y a-t-il quelque chose qui puisse valoir qu'on lui sacrifie sa vie ?" Le fait que la question soit posée indique a priori deux choses : qu'accepter cette existence n'est pas a priori totalement absurde (sinon on ne poserait pas la question), que c'est tout de même paradoxal (sinon on ne poserait pas non plus la question). Il ne s'agit alors pas simplement de répondre oui, ni de répondre non, mais de montrer quelles sont les raisons sérieuses pour étayer chacune des deux réponses, et qu'il y a donc effectivement problème. Il s'agit de montrer que la question est sensée, mais qu'elle comporte néanmoins un paradoxe dont on doit tenir compte, quelque soit l'éventuelle réponse qu'on croirait bon finalement d'adopter. Il faut éventuellement prendre garde que "il y a" n'est pas une affirmation universelle, mais particulière. "Y a-t-il des hommes heureux ?" n'est donc pas la même question que "Tous les hommes sont-ils heureux ?", ou même simplement "Les hommes sont-ils heureux ?" Par exemple la question "Y a-t-il du désordre dans la nature ?" ne demande pas si la nature est désordre, mais s'il peut exister un certain désordre (il faudra alors préciser où et comment) dans la nature.
Il s'agit, au contraire de la formule précédente, d'une question portant sur l'universalité d'une affirmation. Il n'est jamais facile de répondre positivement à une telle question, et il faut garder à l'esprit que la présentation et la juxtaposition de cas, même nombreux, ne constituent pas une preuve suffisante, car on n'établit pas l'universalité par un grand nombre de cas. Pour répondre oui à la question "Toutes les illusions sont-elles dangereuses", il ne suffit donc pas de montrer que telle ou telle illusion l'est, mais qu'une illusion quelconque l'est nécessairement.> Il est plus simple de répondre négativement, puisqu'il suffit logiquement d'un seul contre-exemple pour réfuter l'universalité. Mais il ne faudrait pas s'imaginer avoir répondu de manière satisfaisante par le seul fait d'avoir énumérer quelques contre-exemples. Là comme ailleurs, il faut montrer qu'il y a réellement problème. Par exemple, montrer que toutes les illusions sont dangereuses, même si leur contenu parait insignifiant, par la raison majeure qu'elle nous habituent à nous tenir à l'écart du réel, ce qui finira toujours par se retourner contre nous, mais que d'un autre côté, certaines peuvent avoir un rôle positif, voire même être nécessaires (par exemple les illusions de la mère sur son enfant).
On distingue depuis Aristote entre les causes efficientes et les causes finales.
Il y a donc au moins deux manières de comprendre le "Pourquoi ?".
Il va donc falloir décider lequel des deux questionnements est pertinent, n'étant pas exclu qu'ils le soient tous les deux. Une étude plus fine des deux questions précédentes pourrait conclure à une pertinence des deux questionnements. Il peut être nécessaire de distinguer entre une cause réelle plus ou moins lointaine, et ce qu'on appellera une cause occasionnelle. Si l'on se dispute avec quelqu'un parce qu'il n'a pas refermé la porte, on peut toujours dire que la cause de la dispute est qu'il n'a pas refermé la porte. Mais on ne se disputerait pas pour ce motif avec quelqu'un par exemple dont on serait très amoureux. La vraie cause de la dispute est donc à aller chercher plus loin, dans des problèmes relationnels plus fondamentaux. Ce genre de problème se pose avec acuité par exemple quand on tente de trouver de prétendues causes d'un suicide. Cela constituera évidemment un problème majeur notamment pour l'histoire. On peut être amené à différencier la cause et la raison. La cause est ce qui a effectivement provoqué l'effet, la raison est la compréhension, plus ou moins bonne, que j'ai de la cause. L'absence de travail est la cause de mes mauvais résultats. La compréhension de cette causalité est une raison pour moi de travailler davantage. Dans une question telle "Pourquoi dit-on de l'artiste qu'il crée ?", le "pourquoi" signifie "pour quelle(s) raison(s)". On peut être également amené à différencier le motif et le mobile, le motif renvoyant généralement à une raison consciente, alors que le mobile est une cause qui nous fait agir sans que nous en soyons nécessairement conscients (comme la jalousie).. La causalité, qu'elle soit efficiente ou finale, pose un problème de régression à l'infini. Car, comme le font généralement à une certaine époque les jeunes enfants, on peut toujours poser la question du pourquoi. Pour prendre un exemple de causes finales : pourquoi bien travailler ? Pour avoir le bac. Pourquoi avoir le bac ? Pour faire des études supérieures. Pourquoi faire des études supérieures ? Pour avoir un métier intéressant ou une bonne position sociale ? Pourquoi avoir un métier intéressant ou une bonne position sociale ? Etc. Enfin, il ne faut pas oublier le problème d'une éventuelle multiplicité des causes. Revoir notamment à cet égard le concept psychanalytique de surdétermination.
Là encore, l'interrogation peut signifier deux choses différentes, ou les deux à la fois:
Mais la question peut comporter les deux aspects, comme "Comment peut-on juger une œuvre d'art ?". Pour bien comprendre toute la différence entre le pourquoi et le comment, il peut être nécessaire de revoir Auguste Comte, et la différence entre l'état métaphysique et l'état positif.
Se souvenir de la différence, vue en mathématiques notamment, entre une condition nécessaire et une condition suffisante. Travailler est une condition nécessaire pour réussir un examen (disons un examen sérieux), cela signifie que celui qui ne travaille pas du tout ne l'aura pas. Mais ce n'est pas une condition suffisante, celui qui travaille beaucoup, mais avec une méthode désastreuse, risque aussi de ne pas l'avoir. Il faut prendre garde que toute question commençant par "Suffit-il" se continue par une proposition qui est posée implicitement comme nécessaire. Par exemple demander "Suffit-il de bien parler pour bien penser ?" pose implicitement le "bien parler" comme une condition nécessaire du "bien penser". Outre que dans ce sujet, il faudrait s'interroger sur le sens des deux "bien" qui n'est pas nécessairement le même, il est toujours possible de contester, du moins de s'interroger, sur cette prétendue nécessité. Les formes abordées ci-dessus sont évidemment bien loin d'épuiser les différents types de questions qu'on peut rencontrer comme sujets de dissertations. Cette brève étude n'a de toutes façons d'autre but que de montrer, sous forme d'esquisses, le genre de travail de réflexion qu'il faut entreprendre pour bien rentrer dans le sens d'une question, toujours plus complexe qu'il n'y parait. Il existe notamment trois grandes manières de questionner au sujet d'un concept :
La règle générale de nos jours est que le sujet est constitué sous la forme d'une question simple, ne contenant pas de terme technique spécialisé. Mais toutes les formes de questionnement sont autorisées. Il faut donc s'attendre aux formes les plus diverses, même si certaines sont plus fréquentes que d'autres. Exemples : "La science apporte-t-elle à l'homme l'espoir de constituer un langage artificiel ?", "Le silence ne dit-il rien ?", ""Vivre l'instant présent" : est-ce une règle de vie satisfaisante ?", "Qui a peur de la liberté ?", "Sachant ce qu'est le bien, peut-on faire le mal ?" (voir la rubrique "sujets" pour une liste complète). Dans tous les cas, il faut d'abord s'interroger sur le précis de la question, sur les polysémies et ambiguïtés éventuelles, avant d'en entreprendre le traitement. Il faut être extrêmement attentif aux termes utilisés dans la question. "Un homme peut-il être libre ?" n'a pas nécessairement le même sens que "L'homme peut-il être libre ?". Cette différence entre "le" et "un" peut être, suivant les sujets, insignifiante, importante ou fondamentale. Il en est de même pour d'autres termes. Il faut donc au préalable réfléchir sur chaque mot, afin de juger se l'importance de sa signification, s'il est nécessaire de la prendre en considération, voire d'y consacrer un développement dans le cadre du devoir. C'est une affaire de jugement, il est par exemple inutile de s'attarder sur le "il" de "Est-il exact que ... ?", car ce "il" n'est qu'une exigence grammaticale ne renvoyant à aucun sujet réel. Notamment, la question peut comporter des nuances, par exemple sous forme d'adverbes : "naturellement", "nécessairement", "toujours", "volontairement", "essentiellement", etc. "L'homme est-il naturellement libre ?" n'est pas la même question que "L'homme est-il nécessairement libre ?", et il ne faut réduire aucune des deux questions à "L'homme est-il libre ?". Pour résumer, réflexion, attention, précision sont nécessaires, bref une attitude d'esprit fatigante à mettre en œuvre ... |
Par l'auteur de cette page, quelques textes un peu moins éducatifs, et qui néanmoins valent le détour : les recueils de nouvelles. |
màj 220703 |
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