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allemand
1724-1804
première lecture conseillée :
Préface à la seconde édition de la "Critique de la raison pure"
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Sa vieK ant est né en 1724 à Königsberg en Prusse orientale (actuellement Kaliningrad en Russie), dans la rue
des Selliers, qui se trouvait être le métier de son père. Aîné de la famille, il aura un frère et trois sœurs. Il fait ses études au collège Frédéric de 1732 à 1740, où il reçoit un enseignement très religieux, puis il entre comme étudiant à l'Université de Königsberg. Après des études de théologie, de philosophie et de sciences, il doit gagner sa vie comme précepteur de 1746 à 1755, suite à la mort de son père. Il écrit son premier essai dès 1746.
En 1755, il obtient l'autorisation de donner des cours privés à l'Université de Königsberg. En 1765, il est nommé sous-bibliothécaire à la Bibliothèque Royale et enfin en 1770, suite à sa thèse qui sera sa première oeuvre majeure (De la forme et des principes du monde sensible et du monde intelligible), professeur de logique et de métaphysique. En 1780, il est élu membre du conseil de l'Université et recteur de l'Université en 1786. Il publie en 1781 son oeuvre maîtresse, La critique de la raison pure. Il est élu membre de l'Académie des sciences de Berlin en 1787. Il publie successivement La critique de la raison pratique en 1787 et La critique de la faculté de juger en 1790. Il jouit alors d'une très grande réputation et reste professeur jusqu'en 1797. Il meurt à quatre-vingts ans, le 12 février 1804, après une longue période de faiblesse physique et intellectuelle. |
Son œuvre est très abondante. Pour s'en tenir aux oeuvres majeures : " De la forme et des principes du monde sensible et du monde intelligible" (1770), "Critique de la raison pure" (1781), "Prolégomènes à toute métaphysique qui se voudra science" (1783), "Fondements de la métaphysique des mœurs" (1785), seconde édition de la "Critique de la raison pure" (1787), "Critique de la raison pratique" (1788), "Critique de la faculté de juger" (1790), "La religion dans les limites de la simple raison" (1793), "Projet de paix perpétuelle" (1795), "Doctrine du droit"
1. Le sensible et l'intelligible
Kant a été, selon ses propres termes, tiré de son "sommeil dogmatique" par la lecture du philosophe empiriste David Hume. Conformément à l'enseignement rationaliste issu de Leibniz qu'il avait reçu, il pensait jusque là de manière "dogmatique" que les sources de la connaissance ne sont pas dans l'expérience mais dans l'esprit, dans la raison. La philosophie de Hume prétend au contraire montrer que toutes nos connaissances sont issues de l'expérience. Kant, notamment marqué par sa formation en science physique, montre qu'il faut opérer une synthèse des deux, expérience et entendement. D'un côté, l'entendement ne peut travailler que sur des données qui lui sont fournies par la sensibilité : le concept sans intuition est vide. De l'autre les seules données brutes de la sensibilité ne sont pas suffisantes à constituer une connaissance : l'intuition sans concept est aveugle. La "Critique de la raison pure" s'efforce de montrer ce qui revient à la sensibilité (recevoir les sensations), ce qui revient à l'entendement (construire la connaissance), comment ces deux facultés opèrent, et les illusions dans lesquelles on tombe à ne prétendre s'appuyer que sur une seule des deux.
2. Le transcendantal et l'empirique
La difficulté est de reconnaître dans notre connaissance ce qui nous est vraiment donné (que l'on appelle l'empirique) de ce qui provient de nous. En effet, pour connaître, il faut mettre en oeuvre des moyens de connaissance qui ne nous sont pas donnés dans la réalité extérieure, mais proviennent de nous-mêmes. Par exemple, pour recevoir des sensations, il nous faut des cadres de réceptivité. Ces cadres de la sensibilité sont l'espace et le temps. Poursuivant les analyses de Leibniz, tout en en refusant le rationalisme intégral, Kant montre que l'espace est, comme le temps, un cadre a priori, nécessaire et subjectif, autrement dit un cadre transcendantal de la sensibilité. D'une manière identique, l'entendement a besoin pour établir la connaissance de mettre en oeuvre des idées a priori, nécessaires et subjectives. Ces idées transcendantales de l'entendement sont appelées catégories, car leur liste (une douzaine) ressemble fortement à la liste des catégories établie par Aristote. Par exemple, comme l'avait montré Hume, la notion de relation de cause à effet ne nous est pas donnée par l'expérience, puisqu'au contraire une expérience quelconque n'est possible que parce que nous avons déjà (a priori) cette notion dans notre entendement.
3.Les limites de la connaissance
Rien ne nous permet d'affirmer que les choses en elles-mêmes sont telles que nous les connaissons, car nous ne pouvons les connaître qu'à travers nos moyens de connaissance, espace, temps, catégories. Il faut donc distinguer entre ce que peut être la réalité indépendamment de l'appréhension que nous en avons (que l'on appellera chose en soi) et la réalité telle que nous l'appréhendons à travers nos moyens de connaissance (qui constitue ce qu'on appelle les phénomènes). Notre connaissance n'est donc que phénoménale, nous ne pouvons atteindre la chose en soi. On s'éloigne ainsi définitivement de la croyance en la possibilité d'une connaissance "absolue".
D'autre part, la connaissance n'est possible que par le fonctionnement des deux facultés, sensibilité et entendement. On ne peut prétendre connaître quelque chose qui ne ferait l'objet d'aucune expérience possible. S'il se trouve que certaines questions échappent logiquement à toute expérience possible (par exemple celle d'un éventuel commencement du monde, ou celle de l'existence de dieu, ou encore celle d'une éventuelle survie de l'âme après la mort du corps), elles ne peuvent donc faire l'objet d'une connaissance véritable. Ce sont alors un certain nombre de questions fondamentales qu'il nous faut reconnaître comme échappant définitivement à notre connaissance.
La raison peut alors avoir la tentation de prétendre se passer de l'expérience, et d'établir la vérité par elle-même seule (d'où le nom de raison pure) . Elle tombe alors dans l'illusion transcendantale, qui consiste à utiliser des idées transcendantales, les catégories, uniquement valides en tant qu'elles organisent un donné sensible, en dehors précisément de toute donnée sensible, comme quand Descartes prétend "démontrer" l'existence de dieu. Il y a alors une sorte de fonctionnement dans le vide, car en l'absence de tout contrôle empirique, la raison pure peut démontrer ceci tout aussi bien que son contraire, ce qui constitue la dialectique de la raison pure.
4. La philosophie pratique
Le problème moral est celui de la liberté. La liberté concerne l'usage de la volonté. La volonté est dite autonome quand elle est déterminée par elle-même à agir (la volonté est à elle-même sa propre règle), hétéronome quand, tout en voulant, elle est néanmoins déterminé par autre chose à agir. On peut agir selon deux ordres de considérations. On peut être honnête par prudence (pour ne pas se faire prendre, par exemple), on parle alors d'un impératif hypothétique. On peut être honnête parce qu'on veut être honnête (sans considération donc des éventuelles conséquences), on parle alors d'impératif catégorique. Par l'impératif catégorique, la volonté fonde son autonomie. Le seul moyen pour échapper à l'hétéronomie est de poser l'exigence d'une universalisation possible du principe de l'action. Si en effet l'universalisation du principe de l'action n'est pas possible, c'est qu'il y a dépendance à l'égard des situations, et donc hétéronomie. D'où la célèbre formule : "Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle". Poser cette maxime ne relève pas de le connaissance, c'est un acte de la raison pratique.
C'est la morale, et non la connaissance, qui peut nous permettre d'atteindre une dimension métaphysique. La raison pratique peut réaliser l'inconditionné qui se dérobe à la raison spéculative. L'existence de dieu, l'immortalité de l'âme ou la liberté ne peuvent pas être des objets de connaissance, puisque non susceptibles d'une connaissance. Car le problème de dieu n'est pas de savoir s'il existe ou non, ce genre de "savoir" étant impossible, mais si c'est une idée qu'il nous est nécessaire ou non de poser. Il s'agit donc, comme l'idée de liberté, ou comme d'autres "objets" métaphysiques, de postulats nécessaires de la raison pratique.
La liberté humaine ne peut cependant être pleinement réalisée le temps d'une seule vie, le développement de toutes les dispositions humaines ne peut se faire qu'à travers l'histoire des hommes, et doit donc être pensé à l'échelle de la société. Le problème prend donc nécessairement une dimension politique. L'homme est à réaliser, la nature l'a privé d'instinct et l'a mis au monde totalement démuni pour le forcer à s'élever par lui-même en établissant un ordre régi par des lois. Le travail est alors le moyen de sa réalisation. L'homme a donc une dimension fondamentalement historique. Le devenir de l'humanité a pour finalité le règne de la loi et la paix universelle, qui se concrétise dans la notion de constitution républicaine. Mais il faut avoir conscience que l'établissement de la justice, " plus grand problème pour l'espèce humaine" ne peut jamais être considéré comme définitivement résolu. Le problème de la liberté ne peut là encore se résoudre que de manière universelle : seul l'établissement d'une "société des nations" peut en fournir le cadre de possibilité.
5. La notion régulatrice de finalité.
Les jugements de connaissance se réduisent à des "jugements déterminants", qui déterminent un objet au moyen d'un concept. Mais Kant va découvrir l'existence d'un autre type de jugement, qu'il appelle "réfléchissant". Celui-ci ne produit pas une connaissance objective, mais il est l'expression subjective d'un ordre que nous devons admettre dans les objets pour les comprendre. Par exemple, bien que la connaissance stricte ne puisse prendre en considération la notion de finalité, on ne peut pas comprendre ce qu'est un être vivant sans établir de jugement téléologique (c'est à dire postulant une finalité). L'idée de finalité est transcendantale, elle ne provient pas de l'expérience, elle exprime l'exigence a priori de notre esprit d'un ordre dans la nature, elle possède une fonction "régulatrice".
Le jugement de goût est de cet ordre. Il n'est pas un jugement objectif (il parle de la manière dont le sujet ressent l'objet, et non de l'objet lui-même), il a la particularité de ne pas être un jugement porté par l'entendement, mais par la sensibilité (ce que Kant appelle un jugement esthétique), il ne porte ni sur l'utilité de l'objet (sa finalité externe) ni sur sa perfection (sa finalité interne), mais vise la simple forme de la " finalité d'un objet, en tant qu'elle est perçue dans cet objet sans représentation d'une fin."
1. "Je devais penser que l'exemple de la Mathématique et de la Physique qui, par l'effet d'une révolution subite, sont devenues ce que nous les voyons, était assez remarquable pour faire réfléchir sur le caractère essentiel de ce changement de méthode qui leur a été si avantageux et pour porter à l'imiter ici - du moins à titre d'essai -, autant que le permet leur analogie, en tant que connaissances rationnelles, avec la Métaphysique. Jusqu'ici, on admettait que toute notre connaissance devait se régler sur les objets ; mais, dans cette hypothèse, tous les efforts tentés pour établir sur eux quelque jugement a priori par concepts, ce qui aurait accru notre connaissance, n'aboutissaient à rien. Que l'on essaie donc enfin de voir si nous ne serons pas plus heureux dans les problèmes de la métaphysique en supposant que les objets doivent se régler sur notre connaissance, ce qui s'accorde déjà mieux avec la possibilité désirée d'une connaissance a priori de ces objets qui établisse quelque chose à leur égard avant qu'ils nous soient donnés. Il en est précisément ici comme de la première idée de Copernic ; voyant qu'il ne pouvait pas réussir à expliquer les mouvements du ciel, en admettant que toute l'armée des étoiles évoluait autour du spectateur, il chercha s'il n'aurait pas plus de succès en faisant tourner l'observateur lui-même autour des astres immobiles. Or, en Métaphysique, on peut faire un pareil essai, pour ce qui est de l'intuition des objets. Si l'intuition devait se régler sur la nature des objets, je ne vois pas comment on en pourrait connaître quelque chose a priori; si l'objet, au contraire (en tant qu'objet des sens), se règle sur la nature de notre pouvoir d'intuition, je puis me représenter à merveille cette possibilité." (Critique de la raison pure)
2. "Il n'y a donc qu'un impératif catégorique, et c'est celui-ci : Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle .
Or, si de ce seul impératif tous les impératifs du devoir peuvent être dérivés comme de leur principe, quoique nous laissions non résolue la question de savoir si ce qu'on appelle le devoir n'est pas en somme un concept vide, nous pourrons cependant tout au moins montrer ce que nous entendons par là et ce que ce concept veut dire.
Puisque l'universalité de la loi d'après laquelle des effets se produisent
constitue ce qu'on appelle proprement nature dans le sens le plus général (quant à la forme), c'est-à-dire l'existence des objets en tant qu'elle est
déterminée selon des lois universelles, l'impératif universel du devoir pourrait encore être énoncé en ces termes : Agis comme si la maxime de ton action
devait être érigée par la volonté en loi universelle de la nature. (Fondements de la métaphysique des moeurs)
3. "La nature a voulu que l'homme tire entièrement de lui-même tout ce qui dépasse l'agencement mécanique de son existence animale, et qu'il ne participe à aucune autre félicité ou perfection que celle qu'il s'est créée lui-même, indépendamment de l'instinct par sa propre raison. - En effet la nature ne fait rien en vain, et elle n'est pas prodigue dans l'emploi des moyens pour atteindre ses buts. En munissant l'homme de la raison, et de la liberté du vouloir qui se fonde sur cette raison, elle indiquait déjà clairement son dessein en ce qui concerne la dotation de l'homme. Il ne devait pas être gouverné par l'instinct, ni secondé et informé par une connaissance innée; il devait bien plutôt tirer tout de lui-même. Le soin d'inventer ses moyens d'existence, son habillement, sa sécurité et sa défense extérieure (pour lesquelles elle ne lui avait donné ni les cornes du taureau, ni les griffes du lion, ni les crocs du chien, mais seulement des mains), tous les divertissements qui peuvent rendre la vie agréable, son intelligence, sa sagesse même, et jusqu'à la bonté de son vouloir, devaient être entièrement son oeuvre propre. La nature semble même s'être ici complu à sa plus grande économie, et avoir mesuré sa dotation animale au plus court et au plus juste en fonction des besoins les plus pressants d'une existence à ses débuts ; comme si elle voulait que l'homme, en s'efforçant un jour de sortir de la plus primitive grossièreté pour s'élever à la technique la plus poussée, à la perfection intérieure de ses pensées, et (dans la mesure où c'est chose possible sur terre) par là jusqu'à la félicité, en doive porter absolument seul tout le mérite, et n'en être redevable qu'à lui-même; c'est comme si elle avait attaché plus d'importance chez l'homme à l'estime raisonnable de soi qu'au bien-être. Car le cours des choses humaines est hérissé d'une foule d'épreuves qui attendent l'homme. Il semble bien que la nature n'ait pas eu du tout en vue de lui accorder une vie facile, mais au contraire de l'obliger par ses efforts à s'élever assez haut pour qu'il se rende digne, par sa conduite, de la vie et du bien-être. (Histoire d'une idée universelle au point de vue cosmopolitique).
Par l'auteur de cette page, quelques textes un peu moins éducatifs, et qui néanmoins valent le détour : les recueils de nouvelles. |
màj 220702 |
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