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Nouvelles et essais, par Julius Nicoladec

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Ef’feuilles, l’atelier de reliure d’art
de Marie-Claire Brauner, Nevers

Le livre, le fond et la forme

Quand le livre se veut œuvre d’art, ce qui n’est certes pas toujours le cas, c’est aussi bien par ce qu’il dit — et également parce qu’il choisit de taire —, que par son existence d’objet matériel. On ne peut faire que le contenu soit indifférent au contenant. L’œuvre écrite ne peut se réduire, sous peine d’y dégrader son sens, à un simple code transmissible sous quelque forme que ce soit. Ne s’y résignant pas, l’art de la reliure refuse d’en dissocier l’âme du corps. Même si l’habit ne fait pas le moine, il y contribue fortement. Le texte ne peut être abstrait de son écrin.
À l’heure des « dématérialisations » et « reprints », il y a urgence à rappeler que le texte trouve son sens abâtardi à être séparé de son incarnation. Tant la création que la restauration d’un livre ne sont donc pas de simples manies d’esthètes passéistes, elles visent à restituer la pleine existence charnelle du sens. Restauration voisine ici avec résurrection. Par exemple, pour son mémoire de fin d’études, Marie-Claire Brauner redonne pleine forme à une édition du XVIIe siècle des « Coutumes du Nivernois » de Guy Coquille, sieur de Romenay, contribuant ainsi à lui restituer sa vigueur historique. Dans un registre différent, la reliure des registres d’état-civil contribue à rendre consistance et dignité à l’histoire locale des communes. Mais il peut s’agir aussi bien d’habiller une œuvre moderne par une création pleinement adaptée à son contenu, comme en témoigne la couverture réalisée pour « Un barrage contre le Pacifique » de Marguerite Duras.

Le parcours de Marie-Claire Brauner

Marie-Claire, originaire de Nevers, y fait ses études au Lycée Alain Colas, établissement spécialisé dans les études artistiques. Après un diplôme d’Arts plastiques aux Beaux-Arts de Clermont-Ferrand, elle obtient ses diplômes de reliure et de dorure au Lycée Tolbiac puis à l’école Estienne à Paris. Elle est ensuite diplômée de restauration de livres anciens au Centre de formation restauration du patrimoine écrit. En 2017, elle obtient le 1er prix du concours de la chambre des métiers de la Nièvre avec la présentation d’un fac-similé de manuscrit médiéval et un prix « coup de cœur » au concours régional des métiers d’art. Pour son entrée en vie professionnelle, elle crée l’atelier Ef’feuilles à Nevers en 2017.

La reliure, art et technique

Comme toute création artistique, la reliure ne peut s’exercer que sur la base d’une technique éprouvée. Il y a ici un savoir-faire qui demande souvent une longue et patiente pratique pour être pleinement maîtrisé. Cette pratique passe par l’utilisation d’outils spécialisés qui demandent minutie, rigueur et longanimité. Ainsi en va-t-il par exemple du cousoir, dispositif toujours irremplaçable depuis son invention au Xème siècle, pour recoudre ensemble les différents cahiers du livre après remise en état page par page. À la diversité des outils et à leurs techniques d’utilisation, correspond bien sûr, comme en tout domaine spécifique, un vocabulaire propre. Sa richesse est parallèle à celle de la gestuelle. Le savoir nommer est adhérent au savoir-faire. Réfection ou création, relier un livre demande jusqu’à une vingtaine d’opérations exigeant des compétences variées, demandant toutes patience et dextérité. Pour n’en retenir que quelques unes, la plaçure est l’ensemble des opérations précédant la couture d’un livre, débrochage des cahiers, réparation, placement des couvertures, des hors-textes, des gardes, mise en presse, ébarbage. Vient ensuite la collation, vérification de l’ordre des pages et des cahiers, le choix de la ficelle de chanvre ou du ruban, suivant le type de reliure. l’encollage, l’endossure, arrondi du dos avec un marteau ad hoc, la passure, passage des ficelles dans le carton de couverture.

L’amour des matériaux

L’amour du livre passe évidemment par l’amour des matériaux utilisés. Tissu, tranchefils (petite bande galonnée), cuirs ou similis tel le skivertex, cartons, et bien sûr le papier. Plutôt dire les papiers, tant il en existe de différents, à fonctions différentes : japonais, verger, bouffant, marbrés... Si les papiers ont un recto et un verso, ils ont souvent également un sens qu’il faut savoir identifier, et ne peuvent être utilisés en n’importe quelle direction. Le choix, la préparation et la pose du cuir, après le délicat parage avec un couteau à parer, sont spécialement délicats.

Un travail de formation diversifié

Marie-Claire participe à la vie artistique locale. À Prémery, elle se joint en 2019 à la semaine créative franco-allemande. Elle prend part aux boutiques éphémères à Nevers en décembre 2020. Elle n’hésite pas, au sein de différentes associations, à initier les passionnés, amateurs ou déjà formés, aux différentes activités créatives autour du livre : leur réfection certes, mais aussi leur confection, la réalisation de carnets reliés, de marque-pages et d’emboîtages, la confection artisanale de papiers marbrés « à la cuve », le travail du cuir, l’initiation à la dorure. Elle anime des ateliers à Nevers, à Donzy et à l’atelier d’Essie de Prémery.

Pour en savoir plus

Interview France 3
Article du Journal du Centre

Pour changer de registre

Quelques textes un peu plus légers, et qui néanmoins valent le détour, à lire dans les recueils de nouvelles


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